Une nouvelle illustration de l’abus de majorité des associés au sein d’une SCI

En l’espèce la chambre commerciale a reconnu le 24 mai 2016 (Cass.com.n° 14-28.121 ) un abus de majorité d’un groupe d’associés majoritaires qui a vendu un terrain et un immeuble de leur SCI à un prix bien inférieur à sa valeur.

L’abus de majorité suppose la réunion de deux éléments : la contrariété à l’intérêt social et la rupture intentionnelle d’égalité entre associés, la décision étant jugée comme prise dans le seul but de procurer un avantage à l’associé majoritaire ou au groupe d’associés majoritaires, dont sont privés les minoritaires.

L’abus de majorité est généralement invoqué à l’occasion d’une décision collective prise en assemblée générale. La vente du terrain et de l’immeuble d’une société civile votée par les associés majoritaires à un prix très inférieur à sa valeur et au profit d’une nouvelle société qu’ils avaient créée dans le but d’évincer l’associé minoritaire a été jugée abusive.

En l’espèce la chambre commerciale a reconnu le 24 mai 2016 un abus de majorité prise lors d'une décision d'assemblée par le groupe d’associés majoritaires qui a vendu un terrain et un immeuble de leur SCI à un prix bien inférieur à sa valeur.

En effet, une assemblée générale d’une SCI s’est tenue en présence des quatre associés égalitaires qui ont décidé la vente d’un terrain acquis par la SCI et de l’immeuble en cours de construction au prix de 200.000€, l’un des associés ayant voté contre cette résolution.

Six mois plus tard, ce bien était cédé pour la même somme à une société que les trois associés ayant voté en faveur de la résolution venaient de constituer. Puis l’assemblée générale de la SCI avait décidé la dissolution de cette société.

La décision prise par l’assemblée générale de vendre le terrain et l’immeuble a été jugé contraire à l’intérêt de la société et caractérisant un abus de majorité. Ce n’est pas le fait de vendre les biens de la SCI à un prix inférieur à sa valeur qui a été déterminant dans la décision des juges mais la manœuvre de la cohésion des associés majoritaires afin de privilégier leur société au détriment de la SCI et de l’associé minoritaire.

La cession a privé la première SCI de son actif faisant perdre de la valeur aux part sociales de l’associé minoritaire tandis que les associés majoritaires s’étaient retrouvés, au travers de la nouvelle SCI, seuls propriétaires de l’immeuble pour un prix dérisoire. Cette vente était donc uniquement dans l’intérêt de la seconde SCI des trois associés majoritaires violant ainsi l’intérêt social et l’égalité entre les associés.

La sanction privilégiée de l’abus de majorité, lorsque celui-ci est caractérisé, est la nullité de la décision collective. Il a, en effet, été jugé que « l’abus commis dans l’exercice du droit de vote lors d’une assemblée générale affecte par lui-même la régularité des délibérations de l’assemblée » (Com. 6 juin 1990, no 88-19.420).

La délibération adoptée est donc rétroactivement invalidée et il appartiendra alors, le cas échéant, aux associés de se prononcer à nouveau sur le projet de résolution à l’origine de l’abus, cette fois dans un sens qui soit conforme à la fois à l’intérêt social et aux intérêts des minoritaires.

Cette pratique a donc été confirmée par l’arrêt précité qui a annulé les décisions de l’assemblée générale ainsi que la vente de l’immeuble en cause.

Toutefois, il est important de préciser, bien que l’arrêt d’espèce n’en n’ait pas fait mention, l’annulation rétroactive n’est pas la seule sanction concevable. Si l’abus de majorité cause un préjudice aux associés minoritaires, ces derniers pourront prétendre à des dommages-intérêts. Ce sont les associés majoritaires qui ont commis l’abus qui devront les indemniser, mais à condition que l’action exercée par les minoritaires soit dirigée non pas contre la société, mais contre les majoritaires.

Enfin, dans des situations extrêmes, la dissolution de la société est envisageable. Tel est le cas si l’abus de majorité se double d’une mésentente aboutissant à une paralysie du fonctionnement de la société.

 Alexandra SIX                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     Avocat  Droit des affaires

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